Un risque de collision avec Swift-Tuttle
Les sources historiques et les observations contemporaines nous ont permis d'identifier environ quatre cent cinquante comètes dont l'orbite croise la nôtre. La plupart d'entre elles appartiennent à la famille des comètes à période longue. Elles ne sont toujours pas revenues nous menacer ni nous éviter. Parmi les comètes à période courte ou intermédiaire qui nous visitent régulièrement, une trentaine sont enfermées dans des trajectoires qui coupent celle de la Terre. Théoriquement, elles pourraient donc entrer en collision avec notre planète
La comète de Halley en fait partie. Idem pour celle de Swift-Tuttle, le «parent » de l'essaim météoritique des Perséides que la Terre traverse en juillet et août. Au dire des astronomes qui étudient la course de la comète de Swift-Tuttle, ce corps constitue un risque grave et imminent pour notre globe. Les simulations informatiques indiquent que sa route croise celle de la Terre lorsqu'il se dirige vers son périhélie et qu'il peut, dans certaines circonstances, s'approcher dangereusement de nous. On sait notamment qu'«on frôlerait la collision si la comète atteignait son périhélie fin juillet». C'est pourquoi un spécialiste a décrit la comète de Swift-Tuttle comme «l'objet connu le plus dangereux pour l'humanité». D'après les calculs, cette menace subsistera pendant au moins dix mille ou vingt mille ans ; ensuite, «son orbite se détériorera certainement, de sorte qu'elle tombera dans le Soleil ou qu'elle sera éjectée du système solaire, à condition qu'elle n'ait pas percuté la Terre avant»
L'Effet du Cap
L' Histoire de cet objet a débuté en juillet 1862, lorsqu'il a été observé pour la première fois. Dans les mois suivants, alors qu'il se trouvait à quelque quatre-vingt millions de kilomètres de la Terre, il est apparu dans 1' espace nocturne comme un spectre éblouissant, doté d'une queue qui s'étendait sur 30 degrés. On rapporte que celle-ci brillait davantage que les étoiles les plus lumineuses
Pendant quelques semaines, il a tranquillement respecté une trajectoire prévisible, que les astronomes du monde entier ont péniblement suivie et mesurée. Mais dans les derniers jours de sa visibilité, il a adopté un comportement qu'on n'avait jamais étudié sur aucune comète : il a changé de direction. Lorsqu'il a disparu, l'observatoire du Cap, en Afrique du Sud, a remarqué avec étonnement que sa course s'était modifiée à raison d'environ dix secondes d'arc lors de sa traversée de notre ciel
On attribue cet effet dit «du Cap» à un dégazage produit par l'objet. Le phénomène se serait avéré si violent que la comète de Swift-Tuttle aurait été littéralement projetée sur le côté
Cet événement était-il isolé ou se produisait-il régulièrement ? En 1862, des questions similaires ont introduit un élément d'incertitude dans les calculs visant à fixer la date du retour de la comète. Le sentiment général était que celle-ci reviendrait environ cent vingt ans plus tard
Brian Marsden |
En 1973, une projection identique a été effectuée par Brian Marsden, membre de 1 'International Astronomical Union (lAU) et grand spécialiste du comput des orbites. Après avoir soigneusement vérifié et recalculé les données de 1862, 1' expert a conclu que la comète réapparaîtrait entre 1979 et 1982.
Au moment prévu, rien ne s'est passé. Marsden a alors tenu à élargir la fourchette de ses estimations. Pour ce faire, il a tenu compte de certaines observations réalisées dans le passé sur des corps qui pouvaient être, en réalité, la comète de Swift-Tuttle. Il a ainsi établi une corrélation avec des données datant de 69 av. J.-C. de 188 et de 1737. Sur ces bases, il a établi une nouvelle prévision : la comète devait revenir en 1992 et elle parviendrait à son périhélie vers le 25 novembre de cette même année
Cette nouvelle prédiction s'est révélée exacte. Le 26 septembre 1992, l'astronome japonais Tsusuhiko Kiuchi a été le premier à assister au retour de l'objet, que sa trajectoire allait amener à son périhélie le 11 décembre.
L'avertissement
Désormais possesseur d'informations précises sur 1' orbite de la comète, Marsden est retourné à ses ordinateurs pour déterminer la date du prochain périhélie. Il s'est aperçu que celui-ci se produirait, au terme de quelque cent trente-quatre ans, le 11 juillet 2126.
Évidemment, il a commencé à se demander si la répétition de l'«effet du Cap » ou quelque autre divagation orbitale ne l'avait pas de nouveau induit en erreur. Le lecteur n'a pas oublié que la Terre frôlera la collision avec le bolide si jamais ce dernier atteint son périhélie «fin juillet». Marsden en personne est 1' auteur des calculs qui ont donné lieu à cette prévision dès 1973.
Lorsqu'il a réexaminé la question, en 1992, il s'est attaché à prévoir la date exacte à laquelle, fin juillet 2126, le passage de la comète à son périhélie sera suivi d'un choc avec notre planète. Les ordinateurs ont mis en évidence le 26 juillet, en précisant que si l'objet atteignait son périhélie ce jour-là, il s'écraserait sur notre globe un peu moins de trois semaines plus tard, le 14 août!
Le futur de l'humanité semblait donc dépendre d'un paramètre cosmique on ne peut plus ténu : la distance parcourue par la Terre sur son orbite dans les quinze jours qui sépareront le 11 juillet 2126, la date à laquelle, selon Marsden, la comète de Swift-Tuttle atteindra son périhélie, et l'«inconnue» représentée par celle du 26 juillet. Marsden a pourtant dû reconnaître qu'il avait pu omettre un facteur vital. Il n'en a pas moins publié un document à en-tête de l'lAU (référence 5636, daté d'octobre 1992), dans lequel il a lancé cet avertissement : « Il se peut que la comète périodique de Swift-Tuttle percute la Terre à son prochain retour » Sommes-nous en sécurité pour le prochain millénaire ?
Les réactions se sont déchaînées et 1'on a taxé Marsden de sensationnalisme. Contraint de défendre sa position, le chercheur a expliqué que son communiqué ne visait pas à effrayer la population, mais à pousser les astronomes de métier à prêter une attention particulière à la comète «dans les années à venir» : «Les observations réalisées en 1862 ont démontré que Swift-Tuttle se comportait de façon très insolite. Je n'ai jamais rien vu de tel en presque quarante ans de comput d'orbites [ . . ]. Le fait est que même si elle ne nous touche pas la prochaine fois, elle aura de multiples occasions de le faire dans un avenir plus lointain [ . . .].».
Il a passé trois mois à refaire tous ses calculs. À la fin de 1992, il a effectué une nouvelle déclaration dans laquelle il a confirmé la date du 11 juillet, à un ou deux jours près. Il n'y avait donc pas de danger qu'une collision survienne en 2126.
«Nous sommes en sécurité pour le prochain millénaire », a-t-il affirmé, tout en précisant que la comète frôlerait de nouveau la Terre en 3044. Des incertitudes En 1993, les astronomes qui observaient la comète alors qu'elle quittait le système solaire interne ont assisté à la répétition de l'effet du Cap : «[Elle] a éjecté des matières qui ont une fois de plus modifié sa course, encore que très légèrement». Puis elle a poursuivi son chemin à une vitesse telle que, en 1998, les télescopes terrestres les plus puissants ont perdu sa trace.
Nous la retrouverons en 2126, lorsqu'elle reviendra en périhélie. Reste à souhaiter que le phénomène se produise plus près du 11 que du 26 juillet . . .
Cet objet d'un diamètre de 24 km voyagera alors à un peu plus de 60 km/seconde. Si par malheur Marsden a tort et si la comète heurte la Terre, les calculs fondés sur le rapport de sa masse à sa vitesse indiquent que l'impact dégagera une énergie «de l'ordre de 3 à 6 milliards de mégatonnes», soit 1' équivalent de trente à soixante impacts comparables à l'événement de la limite K-T survenu il y a soixante-cinq millions d'années. Une collision peut-elle avoir lieu, ou la marge de quinze jours établie par Marsden suffira-t-elle à sauver la planète ?
Tout le monde se pose la question. Comme le souligne Clark Chapman, du US Planetary Science Institute : «[ . ] actuellement, les astronomes ignorent de combien l'orbite de la comète va se modifier, sous l'effet des forces perturbatrices qui œuvrent à sa surface et dont l'intensité augmente à mesure qu'elle approche du Soleil.»
De telles incertitudes n'ont rien pour surprendre les spécialistes de ces questions, habitués qu'ils sont à voir de grosses surprises et d'énormes objets jaillir des profondeurs obscures de l'espace. Bien qu'il soit impossible d'établir un pourcentage de probabilités, un enfant est capable de comprendre que la comète de Swift-Tuttle ne se contentera pas éternellement d'effleurer la Terre.
sources :
Rogue Asteroids
La sixième extinction : Evolution et catastrophes - Richard Leakey, Roger Lewin, Vincent Fleury
Doomsday Asteroid: Can We Survive? - Donald W. Cox ED. D., James H. Chestek P.E., Arthur C. Clarke
The Quest for Comets: An Explosive Trail of Beauty and Danger - David H. Levy
Impact! The Threat of Comets and Asteroids - Gerrit L. Verschuur
Comets and the Origin and Evolution of Life - Paul J. Thomas, Roland D. Hicks, Christopher F. Chyba, Christopher P. McKay
Le Mystère de Mars - Hancock - Bauval
Liens pour en savoir plus :
on Swift-Tuttle's possible collision
Comète Swift-Tuttle — Wikipédia
Swift Tuttle 2126 | In 134 years, watch out for comet Swift-Tuttle comet to be tracked for chance it might hit Earth - Baltimore Sun
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