dimanche 3 mai 2015

2031 : Et Soudain Un Supervolcan Efface L'humanité



2031, ici, sur cette terre frémissante, une affirmation volcano-cataclysmique semblait démentielle. Enfin, l'optimisme béa pouvait encore avoir raison… la montagne pouvait aller se recoucher, entre la surpopulation la misère et le terrorisme on avait d'autres chats à fouetter! D’une manière ou d’une autre, la plupart des gens n’y pensaient même pas. C’était un monde surpeuplé de plus de 10 milliards d'habitants, avec plein de problèmes quasi insolubles et beaucoup plus pressants qu’un volcan de plus en train de gronder.

Sous l’île de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le magma, mille kilomètres cubes de roche en fusion, était en ébullition. Cette grande hémorragie était remontée par les failles de la fine croûte terrestre, vers l’immense et ancienne caldeira du Rabaul, à la vitesse de dix mètres par mois. C’était un rythme stupéfiant pour un événement géologique, un pied de nez aux énergies les plus puissantes.

Une première faille s’ouvrit dans le sol. Un vaste nuage de cendres monta dans un ciel noir de fumée, et des roches rouges, en fusion, jaillirent comme un geyser. Sous le panache de lave bouillonnait une masse de magma de cinq kilomètres de profondeur, et la pression exercée sur la fine croûte du volcan se révéla trop forte.

À présent, les images télévisées de plus en plus catastrophiques de l’éruption du Rabaul monopolisaient l'information, chassant les actualités politiques ou sportives, et même une transmission en direct d'une sonde martienne intelligente.

Au même moment, dans tout Rabaul, les tremblements de terre s’étaient faits encore plus menaçants. Ils finirent par fendre le fond marin qui recouvrait la chambre magmatique du Rabaul. Le magma monta à la surface par les canaux, dont certains faisaient trois cents mètres de largeur. L’eau de l’océan qui s’engouffra dans ces galeries se changea instantanément en vapeur. Parallèlement, les autres gaz, le dioxyde de carbone et les composés sulfurés, furent dissous dans le magma par les pressions phénoménales des profondeurs – comme le C02 dans une bouteille de soda. Et voilà que la bouteille explosait et que les gaz sortaient en bouillonnant.
Dans les chambres magmatiques, la pression monta de façon exponentielle.

Quand la mer s’était engouffrée dans la chambre magmatique, l’explosion était devenue inévitable.
Des bombes de lave en fusion montèrent dans le ciel, à une altitude de cinquante kilomètres, à une vitesse supérieure à celle du son. La lave se divisa en fragments solidifiés, d’une taille allant de la particule de cendre au bloc d’un mètre, auxquels étaient mêlées des roches de la montagne fracassée. Ces blocs de roche avaient été projetés bien au-dessus des nuages les plus hauts, bien au-dessus des avions et des dirigeables, bien au-dessus de la couche d’ozone, des fragments du Rabaul se mélangeant aux météorites, brûlant brièvement d’une lumière éclatante. 

Le ciel était noir de cailloux. Au niveau du sol, l’onde de choc rayonna à une vitesse supérieure à deux fois la vitesse du son à partir de la caldeira fracassée. On n’entendit rien jusqu’à ce qu’elle frappe, aplatissant tout sur son passage, les maisons, les temples, les arbres, les ponts. Lorsqu’elle passait, l’énergie se perdait dans l’air, le comprimant et l’élevant à des températures incroyables. Tout ce qui pouvait brûler s’embrasa.

Les gens virent arriver l’onde de choc, mais ils ne l’entendirent pas. De toute façon, ils n’auraient pas eu le temps de fuir. Ils se transformèrent en torches humaines et disparurent, comme des aiguilles de pin dans un feu de joie. Et ce n’étaient que les hors-d’œuvre.

Les géologues savaient depuis un moment déjà qu’il y avait trop longtemps que la Terre n’avait pas connu d’incident volcanique majeur.
L’éruption du Rabaul en 2031 n’était pas la pire que le monde ait connue, pas même depuis qu’on tenait la chronique des éruptions volcaniques. Pourtant, elle avait été bien plus importante que celle du Pinatubo, aux Philippines, en 1991 – éruption qui avait fait baisser la température moyenne de la Terre d’un demi-degré. Elle était pire, même, que l’explosion du Tambora, en Indonésie, en 1815, qui avait provoqué « l’année sans été » en Amérique et en Europe. Le Rabaul était le plus grand événement volcanique depuis le VIe siècle après Jésus-Christ, et l’un des plus cataclysmiques des cinq mille dernières années. Le Rabaul, c’était vraiment quelque chose…

Les changements climatiques n’étaient pas toujours lents ou proportionnels à leur cause. La Terre était encline à des modifications aussi soudaines que drastiques, de climat et d’écologie, basculant d’un état stable à l’autre. Les perturbations, même modestes, pouvaient être magnifiées.
Le Rabaul était une perturbation de ce genre. Et elle ne serait pas modeste.

Ce n’était pas seulement la faute du Rabaul. Le volcan n’avait été que la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase. L’extraordinaire pullulement de l’humanité avait tendu la situation au point de rupture. Ce n’était même pas la malchance. Si ce n’avait pas été le Rabaul, ç’aurait été un autre volcan, un tremblement de terre, un astéroïde, ou un autre putain de truc.

Mais alors que les systèmes naturels de la planète rendaient l’âme les uns après les autres, l’homme découvrait en fin de compte qu’il n’était qu’un animal imbriqué dans un écosystème. Et comme celui-ci mourait, l’homme en faisait autant.

source:  Evolution de Baxter. Stephen (2005) Broché

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